lundi 8 février 2010

Bourvil

André Bourvil est un acteur oublié, monstre sacré des dernières heures d'un monde rural où la besogne des champs sculptait alors des trognes hors du temps. De rares cinéastes - Melville, Mocky, Oury - l'ont apprécié à hauteur de son immense talent.
C'est un comédien, aussi terre à terre que lunaire, un grand benêt dégingandé au sourire sans espoir, un aimable plaisantin qui traque le tragique du quotidien. Il est bouleversant de tendresse, déchirant de gentillesse.
C'est une grande tête de la campagne un peu rougeaude, au vaste front dégarni, au même nez cassé que Georges Wilson, mêlant bon sens et coup de sang, dans un lent phrasé de paysan normand. C'est une silhouette qui penche, qui tangue par maladresse, qui doute par poésie.
Je revois pour l'énième fois "Le Corniaud" dimanche soir sur TF1. L'oeil bleu de Bourvil stoppe net les mimiques écarlates de Louis de Funès, hors norme lui aussi. A y regarder de près, Bourvil était bourré de chefs d'oeuvre dans les yeux. Il est mort, il y a quarante ans, sans avoir pu donner au cinéma toute la mesure de sa générosité.

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