lundi 18 janvier 2021

Clics et logistique

Nos conseils de guerre sont des modèles de pétaudières. La bourbe du réel ne se calque pas du tout sur les axiomes de recherche fondamentale : le désordre n’y est pas créateur d’ordre. Or les petits marquis des palais ministériels s’imaginent qu’avec des clics on construit une logistique. Un mail, et je démêle un chien de ferme entortillé dans sa chaîne. Non. L’addiction au virtuel dénature le sens du réel. Elle illusionne la bleusaille qui gouverne, la persuade qu’elle agit, montre ses griffes avec des essaimesses sans orthographe. Courteline, Jarry, Kafka sont les saints tutélaires de la débâcle des vaccins. La culture de la note de service performative, du mot qui crée la chose par enchantement (comme l’argent, soit dit en passant), perdure dans les bureaux du Château sous la forme du texto réponse à tout, du texto péremptoire sans écho. Mais agir n’est pas écrire, encore moins discourir. Le dévouement des braves maires qui se carapatent, se décarcassent ne suffit pas à bâtir une politique de guerre digne de la nation. Un plan de vaccination réclame autre chose qu’une addition des gymnases. La logistique est un art d’exécution, un métier patient, d’attention, qui exige un doigté, une maîtrise des détails, une bonne connaissance des circonstances. Ce genre de technique ancillaire n’est pas très noble pour l’aristocratie d’Etat pour qui l’artisanat d’un métier n’est qu’une vulgaire et roturière besogne. Le grand Péguy disait : « Le génie n’apparaît nulle part autant que dans le petit détail poussé ». Le mot « terrain » est galvaudé par les politiciens. Ils se targuent de le connaître dans ses moindres recoins. Or ils n’en perçoivent que les « retours », comme ils disent, sous la forme de dossier en papier à classer. La logistique requiert un commandement et des chefs légitimes pour l’exercer. Sans doute, l’armée, la moins naufragée de nos institutions, saurait colmater les brèches ouvertes du politique, les trous béants de l’administration, l’impéritie structurelle des civils. Mais elle ne peut pallier le manque de doses de vaccin, le déficit de seringues pour piquer, le défaut de matériel de guerre pour se battre. Autrement dit, la logistique exige des mains sales, nécessite de les plonger courageusement dans la glaise. Mais a-t-on seulement des mains ? Les clics des conseillers de comités Théodule s’apparentent à de la théorie cérébrale qui, immanquablement, rate la cible des pratiques expérimentales. Les élections approchent. On m’interroge. « Vous voterez pour qui ? Oh, moi, vous savez, je suis échaudé : j’attends d’être tiré au sort. »

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