samedi 2 janvier 2021

Désaltérer l'espoir

Au coin du feu, les vœux rendent un son lointain. Le covid 19 rappelle la cop 21. On en fait des tonnes dans la propagande. Les laïus n’impressionnent pas les virus. Les blablas laissent de marbre le climat. Les souhaits sont une méthode Coué de fin d’année. Les mots sont des passions sous placebo, une manière d’être content et de gagner du temps. Le chef de guerre invoque l’espoir. Dans son quart d’heure de fausse humilité, d’empathie falsifiée, de satisfecit fabriqué, il agite un mouchoir. Or l’espoir n’est jamais que la forme la plus achevée du désespoir. Dans « Noces », Albert Camus met les points sur les i : « L’espoir, au contraire de ce qu’on croit, équivaut à la résignation. Et vivre, ce n’est pas se résigner ». La miraculeuse vaccination est la résignation d’une nation. Une vaccination rationnée, qui plus est. La nation, souvent turbulente, est priée d’être lente, de se garder de toute précipitation. Elle sera piquée, à son heure, après mille préventions, au prix d’un luxe de délicates attentions. Mais cet espoir obligatoire, le chef de guerre nous exhorte à le « désaltérer ». Pas compris, l’éclat d’Héraclite. En revanche, j’ai trop bien saisi ce qui suit. Ce lendemain qui chante, cet espoir a un nom de confection locale, d’appellation de terroir, une expression forte de nouveau philosophe : « Le nouveau matin français ». Sous-entendu, midi et soir restent inchangés. Ce matin de magicien définit un destin. Le convalescent de Brégançon termine sa douce causerie par une gâterie de réveillon. Il distribue des bons points, des bouts de sa propre fierté, des fragments de sa majesté à chacun d’entre nous : « Soyons fiers d’être nous ». Rien de plus vulgaire que d’être fier. Là, je lâche. Et Flaubert m’est nécessaire pour calmer une colère. « Les honneurs déshonorent ; le titre dégrade ; la fonction abrutit ». La reine d’un jour, Mauricette, a clos la litanie des saints du calendrier viral, l’émouvant palmarès des admirables anonymes. Macron au prompteur, politicien retors, c’est Giscard moins le bicorne de polytechnicien.

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