vendredi 6 décembre 2024

L’Etat d’avancement

Le stagiaire du palais a bousculé la tradition du job d’été. Il a remué ciel et terre pour que le petit boulot des escaliers de l’Elysée soit renouvelé par tacite reconduction jusqu’à épuisement du peuple souverain. Il travaille comme un fou, dissout, chamboule le calendrier, donne un coup de boule aux députés. Il présente ses vœux d’avance, trois semaines avant la saint Sylvestre. C’est un élève qui a trois classes d’avance. Notre-Dame est son Puy du Fou, figure le grand récit de la radieuse Macronie du bouquet final. Les vieux chênes fixent le cap du capitaine. D’un mégot d’ouvrier, comme le veut la légende dorée, l’enquête qui s’entête sur une cigarette, la cathédrale flamba dans le ciel de la capitale et révéla d’un coup au petit gars du Touquet la vastitude d’un sublime projet. Révolution. Repartir de zéro. Déconstruire pour mieux rebâtir. L’homme du scooter des mers a rafistolé la basilique à toute berzingue. Cinq ans, fastoche, les doigts dans le nez. Le défi d’adieu du monarque d’arc républicain est de rallumer la flamme – il s’est entraîné sur la tombe du soldat inconnu -, de jeter une Marlboro de chantier, un deuxième mégot sur le bel ouvrage d’artisanat. Refaire à nouveau Notre-Dame, mais en deux ans cette fois, top chrono. Le président s’identifie à Léon Marchand dans son bassin. Emmanuel vise la consécration des futurs manuels, sa poignée de pages publicitaires dans les bouquins d’histoire. Choc de productivité, choc de simplification, choc de clarification, choc d’espérance, conjurent l’échec et la multiplication des chèques. Plus vite, plus fort, plus haut. La devise olympique est une morale de travail qui lui sied à merveille, un aristocratisme de l’excellence, l’exemplarité jupitérienne au service des fragilités prolétariennes. Macron soulève un peuple au-dessus de ses neurones, le hisse au sommet à la force de ses petits poignets. Il l’éduque au brio, à la virtuosité, à la vertu de la grandeur. Le géant de légende avance, loin devant, marche vers un bilan triomphal, progresse vers son bouquet final, chemine vers un dernier concert anniversaire. Quatre grandes dates jalonnent l’histoire de l’homme des 3 300 milliards de dettes : le moment originel, l’instant Benalla et du coffre introuvable ; le tonitruant grand débat, texte de théâtre, demeuré lettre morte, mais d’aussi longue destinée que « Le Soulier de Satin » ; les Jeux pour amuser les gueux, qu’on devrait organiser plus souvent, faute de pain à distribuer ; Notre-Dame, Emmanuel comme Claudel caché derrière un pilier, attelé à la revisiter indéfiniment dans une ambiance de kermesse, une atmosphère de liesse avec Donald. Giscard, qui prétendait « descendre » non du singe mais de Louis XV, s’était usé à vouloir imposer un « libéralisme avancé ». Notre chef actuel nous exhorte à avancer. A ses débuts, il nous encourageait à marcher, à y aller franchement avec ses godillots. D’ailleurs, ses propres initiales confirmaient le bon fonctionnement d’un vrai bidule, pas d’un gadget de comité Théodule: « En Marche ». Or, jusqu’à présent l’avancement correspond à l’état dégradé d’un fruit avancé. Il faudrait l’ôter du compotier, sans quoi il contaminera toutes les bonnes poires voisines. Le pèlerin confesse que sa décision était « réfléchie et mûrie ». Trop, sans doute. Jusqu’à la pourriture, comme d’une mauvaise rature. Il faut stopper l’éclaireur, le marcheur d’avant-garde. Avancer le calendrier.

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