samedi 14 décembre 2024
Pire que tout
Bayrou est sorti de son haras ou de sa bergerie. Visage ovin plus que chevalin. Buriné par les décennies et les avanies. Le roi le sonne au petit matin comme un larbin. Il est le laquais du paltoquet du Touquet. Il enfile un pantalon sans forme, défraîchi, tirebouchonné, toujours le même, endosse un anorak à col de fourrure, une antiquité des Pyrénées. Au palais, il hésite entre le bouc et le percheron. Il se décide pour la jument de polo, expédie son sabot dans l’œil d’Emmanuel. Le petit homme groggy titube dans les cordes, songe qu’il a tordu le bras de Donald.
Bayrou lit les saintes écritures, y compris l’évangile des gangsters. L’homme du Béarn est armé jusqu’au cou, sanglé d’une ceinture de dynamite. Il pratique le chantage avec aisance comme une ruade spontanée. Le roi Manu lisse ses rouflaquettes. Sur le parchemin, Bayrou trace des initiales de réseau social : FB.
Le vieux cheval de retour, et de beaucoup d’allers et retours, a flanqué une mémorable raclée au monarque empêtré dans un arc républicain. Le voyou s’identifie en Bayrou de secours. Vieux pneu de rechange. Le maquignon accède à Matignon. Un septennat commence. Deux ans d’antichambre. L’Elysée est au bout d’un coup d’éclat, d’une vulgaire méthode de malfrat.
Le scénario est écrit comme un cauchemar éveillé. Macron, chef d’Europe à Bruxelles, Bayrou, président national, grand sachem de la proportionnelle. Les sectateurs de Jean Monnet triomphent, enterrent les derniers restes du cadavre du Général.
Bayrou abhorre de Gaulle et la grandeur, s’aime en son Modem, pâle resucée du MRP, le mouvement républicain populaire d’après-guerre, europhile et chrétien, parti « d’enfants de chœur ». De Gaulle précisait en exégète : « Des enfants de chœur qui boivent les burettes ».
Béarn, Paris, Bruxelles. Bayrou se dédouble, deux fois, se défausse, change de veste élimée, au gré de l’espace de parade. Sa vanité d’élu du coin se mesure en bitcoins des Pyrénées. Il règne au milieu de ses trente-six chandelles d’hémicycle. Milieu par nature juste. Près du corps. Non-lieu. Trou béant qui avale un roman national, absorbe ses restes de singularité.
C’est un vendredi treize que le bedonnant Béarnais, à démarche de cylindre, touche le gros lot, rafle une somme obèse au bureau de tabac de Pau, arrondit un pedigree de Wikipédia. L’homme est roué, sournois, soigne sa trogne de père François. Il se rêve en Mitterrand qu’il révère en lieutenant. Quand il se regarde dans la glace, il se réfléchit en Richard Gere. Il se mire et s’admire, répète ad libitum ses bobards de nombril, ses satisfecits narcissiques, ses mirobolantes fake news. Le pays vit cintré en un centre étriqué.
« Pire que tout » est le petit nom gentil, l’affectueux sobriquet dont Simone Veil, sa compagne centriste, l’affublait dans un doux sourire de commisération.
Traître proverbial, Bayrou, ministre de l’école, se fiche comme d’une guigne des préaux publics puisqu’il inscrit ses moutards dans les pensionnats privés. A vrai dire, la nature lui a taillé des oreilles d’exception pour écouter une variété de chansons et n’entendre que le seul bastringue du centre.
Il bégaie. Il bégaie, par dessus le marché. Il cherche indéfiniment ses mots, s’éternise dans une phrase, parle au ralenti comme on navigue à la pagaie. Il ahane ainsi un catéchisme centriste. Le benêt des Pyrénées est agrégé de lettres classiques. Lecanuet était agrégé de philosophie. Bayrou s’est tout de suite démarqué du mentor en se débarrassant d’idées encombrantes. Mauriac taxait Lecanuet de « Kennedillon » à cause d’un américanisme obsessionnel, et d’un séduisant sourire qui lui valait d’être dénommé « Dents blanches » par le Canard Enchaîné.
Bref, l’agrégé veut nous tasser en sa bétaillère, son union épicière, cette Europe qui déjà sent la guerre. S’il a cogné Manu, Bayrou sait talocher Gavroche, humilier le premier gosse des rues. Il exerce ses réflexes de Narcisse grippe-sou avec une légitimité de préfet des études. Il claque la joue du gosse qui balade ses doigts, maraude dans la poche usée, ballonnée, de son pantalon fripé.
Jadis Bayrou, le gentilhomme avare, secouait le spectre de la dette comme une idée fixe, comme on agite un crucifix. Ladite dette est désormais sur le qui-vive. Elle craint pareil sort, redoute d’être giflée, d’être sommée de restituer la pièce barbotée.
Macron, qui valse de Donald au pape, ne sait plus qu’une chose : là où il habite. Il tient mordicus à son palais. Il se distrait, non pas avec des mots croisés, mais à nommer ses petits valets, premiers ministres. Il ne cherche pas trop loin dans l’alphabet. En cette année des quatre premiers ministres, des Jeux et des jours chômés, il a choisi la lettre A et nommé Attal, il avait trouvé la lettre B avec Borne qu’il a gardée avec Barnier et qu’il recycle avec Bayrou.
Barnier et Bayrou se sont serrés la pince. Le Béarnais a fêté son anniversaire au bon roi Henri IV. Il a fait la promotion des produits de son écritoire. Le maire de Pau, sensible à l’état de la voirie, s’est présenté comme le balayeur des paroles mortes. Il s’est félicité d’une vie placée sous le signe du « risque inconsidéré ». François Bayrou s’imagine sans doute en héros des grands drames, s’identifie à Arnaud Beltrame. Le Savoyard a tourné les talons, assez vite, dans la nuit noire.
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