Le crédit a perverti l'économie. La dette, maladie des pauvres, contamine la santé des riches. On vit aux frais de la princesse. C'est une colonne infinie à la Brancusi. On a décidé de ne pas fêter le cinquantenaire de la mort de Céline. Or "Mort à crédit" est un roman de génie, une vision précise d'aujourd'hui.
mercredi 10 août 2011
Mort à crédit
Les marchés chassent en meute, dézinguent la Grèce. L'Europe latine n'en mène pas large outre mesure. Les pions de la notation asticotent l'Amérique, lui confisquent son étoile de shériff. A Londres, on dégrade pour de bon. L'émeute est le mode d'expression des misères urbaines. On détruit de la valeur. Le vandalisme des quartiers mime la déprédation boursière. On ne croit plus qu'au cri.
dimanche 7 août 2011
Murdoch (2)
A la lecture du dernier volet de l'enquête du Monde consacrée à Rupert Murdoch, j'ai relevé une inexactitude. L'auteur évoque le "formidable catalogue des programmes de ses réseaux câblés".
Or l'expression "réseaux câblés" désigne communément l'infrastructure technique d'un des modes de distribution de la télévision. Elle n'est pas du tout réservée aux contenus. A vrai dire, l'article entretient la confusion entre "chaînes câblées" et "réseaux câblés".
Pour faire bonne mesure, il convient d'ajouter que "network", le terme américain pour "réseau", renvoie aux seules grandes chaînes hertziennes, dont Fox - l'actif emblématique de Murdoch - fait partie.
jeudi 4 août 2011
Murdoch
L'enquête du Monde consacrée à Rupert Murdoch relate les moments forts d'une saga industrielle éblouissante. L'Australo-Américain est un magnat des médias visionnaire. Sa stratégie à l'échelle mondiale dévoile un sens de l'anticipation, une réactivité aux marchés et un opportunisme commercial qui le hissent largement au-dessus des autres "tycoons" de sa génération. S'il est juste de rappeler ses démêlés avec un entrepreneur d'envergure comme John Malone, il est inapproprié d'évoquer son duel avec Jean-Marie Messier, pâle rejeton d'une technocratie à la française. Les deux hommes ne jouaient pas dans la même division.
De surcroît, j'ai été surpris que Murdoch soit dépeint comme "le contraire d'un libéral puisque son mode opératoire consiste à détruire la concurrence en créant un monopole défendu ensuite bec et ongles". Car son implantation américaine, d'une audace folle, ne correspond pas du tout à pareille analyse. Murdoch s'invite à la table des ogres - celle des trois réseaux historiques ABC, CBS et NBC - sans qu'aucun de ces grands médias ne l'ait convié. Il endosse un rôle d'outsider au toupet insensé sur un marché publicitaire éminemment concurrentiel. Le network Fox se construit brique à brique, journée après journée, dans un combat frontal avec les leaders emblématiques du prime time américain. Il s'approprie "Les Simpsons", série politiquement incorrecte, dont aucune télévision ne veut. Il invente la contre-programmation. Non, l'Amérique n'attendait pas Murdoch. Son couvert n'était pas mis à son arrivée. Le nouvel entrant Fox s'est taillé une place à la force du poignet. Jamais de la vie, il ne pouvait revendiquer le monopole de quoi que ce soit.
mercredi 3 août 2011
Premier sorti
"Jumeau premier sorti". Je lis ces mots sur un papier de notaire. Extrait du ventre de ma mère. L'écriture est fignolée dans ses courbes, soignée dans son dessin, précieuse dans ses fantaisies convexes. Je suis né à l'heure du goûter.
Premier sorti. Premier sorti du coup de grisou. Avant les éboulis de la galerie minière. Soeur de destin, morte au premier jour. La deuxième ne s'en sort pas. Pas d'autre survivant. J'ai payé ma vie au prix du crime. Ma petite soeur des pauvres séjourne dans les limbes. J'écris au petit bonheur la chance, sans rien comprendre, premier de cordée. Major des aurores. Major du corps de ma mère.
La jeune notaire rassemble ses papiers. J'ai cessé de lire le banal procès-verbal. Je suis à Lyon, dans un building de province, avec ma soeur dans l'ascenseur.
mardi 2 août 2011
Repli hexagonal
Les ministres sont priés de se reposer intra muros, de paresser au soleil à l'intérieur des seules frontières nationales. A l'Elysée, la France est recommandée pour se refaire une santé. Dans les partis, on se conforme à la même prescription. Les vertus du terroir sont privilégiées, campagne électorale oblige. Aux dernières nouvelles, les vacances du personnel politique se partagent entre la Bretagne et le littoral méditerranéen.
On peut se demander si ce repli estival sur l'hexagone est de nature à préparer les périls du grand large. La France souffre d'un mal endémique: elle peine à sortir de son enclos, de ses schémas doctrinaux, de ses lignes Maginot. Elle voyage mal. C'est pourquoi elle se recroqueville sur elle-même. Stratégie d'escargot.
En août, les ministres se retranchent sur leurs terres au lieu de se colleter à l'étrangeté du monde émergent. Ils excellent à parler de mondialisation sans la moindre connaissance du terrain.
Claridge
J'ai connu l'éternité du vivant de mon père. J'évite le duplicata des marchands. Le mystère d'un regard glissait alors sur l'apparence du monde.
Je vois la peau fripée de ses mains, ses doigts courbes apaisés. Je remonte l'avant-bras en attente de mots inadéquats. L'été s'use dans des ciels sans beauté. La joie éclate au creux des seuls émois.
Je paresse sans hasard sur un banc de Paris. Les lettres du Claridge brouillent mes souvenirs d'enfant. Trop de bleu tue la mémoire des lieux. Je m'évade dans un infini frontal.
lundi 1 août 2011
Boulez
Vieux Boulez au front dégoulinant de rides mélancoliques. Tranchant d'une parole qui coupe à vif, avec une justesse de métal, qui touche à l'os avec une précision presque lasse.
Le maître de musique dirige Mahler. Il lance dans l'espace ses bras, ses mains, ses doigts. Il boxe avec l'invisible. A l'orchestre, il jette ses sortilèges de sorcier chevronné.
L'immatérialité sonore s'apparente à la divine absence. Le désert de l'oeil assujettit les corps, dompte l'esprit comme nul autre empire.
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