Les chiffres me distraient comme une musique. Ils me sortent des épithètes, me lavent la tête. Je coche les carreaux vides. Je sacrifie au rite du sudoku satanique.
J'arrondis le point du dernier i. J'ouvre une parenthèse. Je me dépouille des mots, toujours lourds sur la peau.
Scarlatti, les jeux d'esprit avec six et huit, sont des fraîcheurs d'aurore. Le piano de Scarlatti est une arithmétique insoucieuse des causes. Le ratage des mots vient de l'embonpoint des choses.
Or la musique et les chiffres sont des épiphanies, des fortunes, oui, des événements fortuits. Ils délestent l'esprit de l'asphyxie d'un texte.
jeudi 12 mars 2015
mercredi 11 mars 2015
Le dancing du souvenir
Les chairs n'ont pas durci. Les corps ont failli. Les abdomens nulle part ne mènent. Les abdomens ont gonflé. Une même morsure d'automne touche la ceinture des hommes. La figure s'est creusée comme un déficit de nature. Les gestes ont rationné leur rayon d'évasion.
Les volontés ont aiguisé une dureté de mâchoire, terni la gloire d'un sourire. Le dos s'affaisse comme un éboulement de falaise. La vieillesse a mauvaise mine. Elle se grime. Se tasse.
Les morts sonores dont les corps se tordent se précipitent au bar, se pressent au dancing du souvenir. Les chipies à cliquetis se coiffent de fantaisies hippies. Le marketing est un sparadrap qui colle au blabla. Il expose au bruit de trottoir sympa.
On dansote comme des ombres, on toussote comme des oncles. Dans la famille guenilles, je choisis Ramon, le lanceur de couteaux, l'Argentin des aventures de Tintin.
Les volontés ont aiguisé une dureté de mâchoire, terni la gloire d'un sourire. Le dos s'affaisse comme un éboulement de falaise. La vieillesse a mauvaise mine. Elle se grime. Se tasse.
Les morts sonores dont les corps se tordent se précipitent au bar, se pressent au dancing du souvenir. Les chipies à cliquetis se coiffent de fantaisies hippies. Le marketing est un sparadrap qui colle au blabla. Il expose au bruit de trottoir sympa.
On dansote comme des ombres, on toussote comme des oncles. Dans la famille guenilles, je choisis Ramon, le lanceur de couteaux, l'Argentin des aventures de Tintin.
mardi 10 mars 2015
Une écriture
Je réponds à mes mails. Je veille à l'ordre des mots. Je soigne une qualité d'écho. Laurent m'enchante. Il manie l'outil avec une fausse paresse de fauve ensommeillé. J'envie sa virtuosité. Au moment de cliquer, je suis dans mes petits souliers.
Laurent commence une phrase, chemin faisant s'interroge, en abandonne l'idée - il n'y croit qu'à moitié -, pour autant ne rebrousse pas chemin, tient une ligne contrariée jusqu'au point d'arrivée.
Laurent sait modeler, à l'instant de ponctuer, le plus banal et gai des souhaits. L'ironie donne de la vie, des joues pleines, une enfance à sa douce fantaisie. Elle pèse une plume. L'écriture apprivoise une rature, jette un charme rieur sur la page brute d'ordinateur.
Laurent commence une phrase, chemin faisant s'interroge, en abandonne l'idée - il n'y croit qu'à moitié -, pour autant ne rebrousse pas chemin, tient une ligne contrariée jusqu'au point d'arrivée.
Laurent sait modeler, à l'instant de ponctuer, le plus banal et gai des souhaits. L'ironie donne de la vie, des joues pleines, une enfance à sa douce fantaisie. Elle pèse une plume. L'écriture apprivoise une rature, jette un charme rieur sur la page brute d'ordinateur.
lundi 9 mars 2015
La grande politique
La grande politique se construit sans l'éloge d'un peuple, au large du Pacifique, sous la dictée d'une ténacité, sous une flambée d'intérêts, dans une diversité d'adversités.
De Gaulle voit l'abîme comme une Chine. Il s'accoude à l'Histoire, rafistole une mémoire, résiste au désespoir.
De Gaulle est une bonne connaissance, une grande musique, un roi sans format, ordinaire dans sa joie. On déboulonne De Gaulle, il rigole, on dégringole.
Le bouquin de François, moine à Ligugé, est un travail de bénédictin, de foi en la splendeur du rien. La pauvreté libère de la propriété. Elle préserve d'une impropriété. "De toutes les industries de l'homme, l'insensible transformation du rêve en ambition est sans doute la plus sale".
La grande politique est une vaste querelle pour le partage du ciel, l'amour mystique de l'essentiel. La présence gaullienne est une résurrection, l'insurrection d'une nation assez moyenne. De Gaulle est intouchable. Noli me tangere. Il est le fugitif dont on garde la soif.
"Dans la société des hommes, l'activisme voisine étrangement avec l'inertie. L'activisme pour l'accessoire avec l'inertie pour l'essentiel. Il semble que celle-ci soit proportionnelle à celle-là".
De Gaulle n'est pas tenable. Il s'éclipse. De Roux, autre roi, dit sa loi: "Il est l'homme qui est là". Il lave les pieds de ses administrés. C'est un roi d'éternité qui se nourrit d'instantanés. "L'instant est un mets de roi, mais ordinaire, car un roi véritable l'est ordinairement".
De Gaulle voit l'abîme comme une Chine. Il s'accoude à l'Histoire, rafistole une mémoire, résiste au désespoir.
De Gaulle est une bonne connaissance, une grande musique, un roi sans format, ordinaire dans sa joie. On déboulonne De Gaulle, il rigole, on dégringole.
Le bouquin de François, moine à Ligugé, est un travail de bénédictin, de foi en la splendeur du rien. La pauvreté libère de la propriété. Elle préserve d'une impropriété. "De toutes les industries de l'homme, l'insensible transformation du rêve en ambition est sans doute la plus sale".
La grande politique est une vaste querelle pour le partage du ciel, l'amour mystique de l'essentiel. La présence gaullienne est une résurrection, l'insurrection d'une nation assez moyenne. De Gaulle est intouchable. Noli me tangere. Il est le fugitif dont on garde la soif.
"Dans la société des hommes, l'activisme voisine étrangement avec l'inertie. L'activisme pour l'accessoire avec l'inertie pour l'essentiel. Il semble que celle-ci soit proportionnelle à celle-là".
De Gaulle n'est pas tenable. Il s'éclipse. De Roux, autre roi, dit sa loi: "Il est l'homme qui est là". Il lave les pieds de ses administrés. C'est un roi d'éternité qui se nourrit d'instantanés. "L'instant est un mets de roi, mais ordinaire, car un roi véritable l'est ordinairement".
dimanche 8 mars 2015
Bon sang !
Bernard est ponctuel. Je vois sa tête clandestine dans le judas. Son visage biaise, au bord d'un malaise. La porte pivote. Les joues s'interrogent, se joignent les doigts. La grandeur de Bernard est de tailler dans le large. Bien que courtaud, il est haut comme l'oiseau.
La lumière ricoche comme une torche. Le cerisier capte l'émoi d'anorak, sa fragilité d'homme exact. Bernard s'affranchit du noir. Il adosse sa pelisse. Midi pétille comme mille points sur les i. Je souffre d'un vide. En moi cogne un cri: "J'en suis bleue !". Un ciel hors réel l'imite sans limite.
Tous les mots qui s'entassent pèsent peu devant nos yeux. Bernard s'assied sur la crête, casse un corps de géométrie comme un fusil d'après-midi. De la banquette, il toise la bibliothèque.
- Bon sang !
La pièce fait place au temps qui passe. Hélène a raccroché. Nous sommes quatre. Il se penche vers le tapis, pose son calice, tient droite sa figure, regarde la façade couleur de plâtre. Il n'a pas de masque. L'élastique d'une peau s'étire, s'interdit un sanglot. Nos verres se choquent. L'éternité claque.
- C'est beau !
La lumière ricoche comme une torche. Le cerisier capte l'émoi d'anorak, sa fragilité d'homme exact. Bernard s'affranchit du noir. Il adosse sa pelisse. Midi pétille comme mille points sur les i. Je souffre d'un vide. En moi cogne un cri: "J'en suis bleue !". Un ciel hors réel l'imite sans limite.
Tous les mots qui s'entassent pèsent peu devant nos yeux. Bernard s'assied sur la crête, casse un corps de géométrie comme un fusil d'après-midi. De la banquette, il toise la bibliothèque.
- Bon sang !
La pièce fait place au temps qui passe. Hélène a raccroché. Nous sommes quatre. Il se penche vers le tapis, pose son calice, tient droite sa figure, regarde la façade couleur de plâtre. Il n'a pas de masque. L'élastique d'une peau s'étire, s'interdit un sanglot. Nos verres se choquent. L'éternité claque.
- C'est beau !
vendredi 6 mars 2015
"Toujours quelque chose de brisé"
Je feuillette un petit ouvrage de chevet, les fragments posthumes de Roland Barthes, les billets griffonnés d'un fils à jamais endeuillé.
Il est des visages qui répugnent au masque. Dans les mondanités ostentatoires ou autres assemblées d'usage, l'ennui s'imprimait à livre ouvert sur la figure du docte sémiologue.
L'oeil de Roland Barthes ne cache pas son deuil. Il erre dans le blanc d'une misère. Il se tasse contre l'épaule de Proust. Roland Barthes trouve un bâton de détresse.
Juillet s'achève. Il ne lui reste que deux saisons. Il est courbé sur la correspondance de Marcel Proust, parue chez Nizet. La Bibliothèque Nationale lui prodigue assistance, un soutien minimal d'urgence.
Proust, qu'il sollicite, dont il cogne à la porte, écrivait à Georges de Lauris, autre fils éprouvé. Il sait que la délicatesse est un fruit de civilisation, une sensibilité qui hésite, entre deux tentations, entre deux précipices. La beauté jette à la volée sa bonté. Elles sont les deux paumes indivises d'une même prière.
Les mots de Proust, je les restitue in extenso, tellement leur écho fait défaut, secoue le reste d'humanité où s'encorde un chagrin:
"Maintenant, je peux vous dire une chose: vous aurez des douceurs que vous ne pouvez pas croire encore. Quand vous aviez votre mère vous pensiez beaucoup aux jours de maintenant où vous ne l'auriez plus. Maintenant vous penserez beaucoup aux jours d'autrefois où vous l'aviez. Quand vous serez habitué à cette chose affreuse que c'est à jamais rejeté dans l'autrefois, alors vous la sentirez tout doucement revivre, revenir prendre sa place, toute sa place près de vous. En ce moment ce n'est pas encore possible. Soyez inerte, attendez que la force incompréhensible qui vous a brisé, vous relève un peu, je dis un peu car vous garderez toujours quelque chose de brisé. Dites-vous cela aussi car c'est une douceur de savoir qu'on n'aimera jamais moins, qu'on ne se consolera jamais, qu'on se souviendra de plus en plus".
Barthes sort du manuel d'art, prêt pour le centenaire de son aurore. Il est mort pour de bon. Il fait face au square aux allégories de fleuves. Il ne lui reste que deux saisons.
Il est des visages qui répugnent au masque. Dans les mondanités ostentatoires ou autres assemblées d'usage, l'ennui s'imprimait à livre ouvert sur la figure du docte sémiologue.
L'oeil de Roland Barthes ne cache pas son deuil. Il erre dans le blanc d'une misère. Il se tasse contre l'épaule de Proust. Roland Barthes trouve un bâton de détresse.
Juillet s'achève. Il ne lui reste que deux saisons. Il est courbé sur la correspondance de Marcel Proust, parue chez Nizet. La Bibliothèque Nationale lui prodigue assistance, un soutien minimal d'urgence.
Proust, qu'il sollicite, dont il cogne à la porte, écrivait à Georges de Lauris, autre fils éprouvé. Il sait que la délicatesse est un fruit de civilisation, une sensibilité qui hésite, entre deux tentations, entre deux précipices. La beauté jette à la volée sa bonté. Elles sont les deux paumes indivises d'une même prière.
Les mots de Proust, je les restitue in extenso, tellement leur écho fait défaut, secoue le reste d'humanité où s'encorde un chagrin:
"Maintenant, je peux vous dire une chose: vous aurez des douceurs que vous ne pouvez pas croire encore. Quand vous aviez votre mère vous pensiez beaucoup aux jours de maintenant où vous ne l'auriez plus. Maintenant vous penserez beaucoup aux jours d'autrefois où vous l'aviez. Quand vous serez habitué à cette chose affreuse que c'est à jamais rejeté dans l'autrefois, alors vous la sentirez tout doucement revivre, revenir prendre sa place, toute sa place près de vous. En ce moment ce n'est pas encore possible. Soyez inerte, attendez que la force incompréhensible qui vous a brisé, vous relève un peu, je dis un peu car vous garderez toujours quelque chose de brisé. Dites-vous cela aussi car c'est une douceur de savoir qu'on n'aimera jamais moins, qu'on ne se consolera jamais, qu'on se souviendra de plus en plus".
Barthes sort du manuel d'art, prêt pour le centenaire de son aurore. Il est mort pour de bon. Il fait face au square aux allégories de fleuves. Il ne lui reste que deux saisons.
jeudi 5 mars 2015
Le bon pain
Dans la bonne humeur d'une cantine de séminaire, Jean-Luc S. est un scénariste, triste et causeur. Il apprécie que je remplisse bien son calice de vin de Saint-Pourçain. A ses voisins d'appétit, il confesse le secret d'un nombril: "Je voulais être Joyce, punto e basta !".
Aujourd'hui le gaillard pose sa veste de cuir. Le massif plumitif abandonne sa grande gueule de leader syndicaliste. Il écrit une vie d'Arletty qu'il dédie à Laetitia Casta, l'adorable ragazza.
L'actrice s'approprie la gouaille exquise de fille de blanchisseuse. Elle est effrontée comme il sied à sa beauté. Les joues de l'enfance sont ses dents de la chance.
Jean-Luc S. a fait le job sans le coup de main de Joyce. Avec de la bouteille, désormais du métier, il s'est résigné à signer de son nom magnifié. Il s'appelle Seigle comme le bon pain.
Aujourd'hui le gaillard pose sa veste de cuir. Le massif plumitif abandonne sa grande gueule de leader syndicaliste. Il écrit une vie d'Arletty qu'il dédie à Laetitia Casta, l'adorable ragazza.
L'actrice s'approprie la gouaille exquise de fille de blanchisseuse. Elle est effrontée comme il sied à sa beauté. Les joues de l'enfance sont ses dents de la chance.
Jean-Luc S. a fait le job sans le coup de main de Joyce. Avec de la bouteille, désormais du métier, il s'est résigné à signer de son nom magnifié. Il s'appelle Seigle comme le bon pain.
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