lundi 21 février 2011

Après les retraites, les vacances

Les Etats-Unis n'ont pas déserté la maîtrise du monde. L'hyperpuissance n'est pas morte. L'Amérique n'a pas dit son dernier mot. La Chine, chaussée de bottes de sept lieues, progresse à pas de géant. Les deux champions se sont qualifiés pour la finale du siècle. Le monde est un ring où l'Amérique, tenante du titre, et la Chine, son opiniâtre challenger, boxent d'égal à égal. Le reste de la planète regarde à la télévision. Il s'efface de l'histoire comme l'Europe ou joue dans une autre division comme l'Afrique. Il est interdit de match, exclu du pugilat. Sans pour autant être épargné par les coups meurtriers des deux combattants. Il en prend plein la gueule. C'est un destin d'obligé, d'assisté, de petit allié négligeable.
La France, ce point sur la carte, assiste sans broncher à son inexorable dégringolade, à la chronique annoncée d'un pouvoir défunt. L'Europe ne peut la doter d'une souveraineté de rechange. L'Europe échoue comme plan B au déficit des nations.
Dans ces conditions malheureuses, le modèle social français, construit sur des décennies de croissance insoucieuse, fondée sur une généreuse solidarité, est aujourd'hui ressenti comme un handicap économique insurmontable. Les premières escarmouches de la mondialisation ont entaillé la proue du navire. Nous avons troqué un paquebot pour un frêle esquif qui prend l'eau. Une concurrence tous azimuts frappe d'obsolescence les acquis sociaux d'une "Douce France" chantée à contretemps par sa première dame.
Après le traumatisme des retraites ravalées, l'heure est venue de rogner les sacrosaintes vacances des salariés français. Car on ne peut raisonnablement se frotter aux marchés d'exportation, avec des chances de succès, sans réduire la voilure des congés.
A l'origine, la pensée sociale justifie le temps libre rémunéré comme la légitime compensation de la fatigue au travail. Elle est enracinée sur le préjugé tenace de l'usure au travail. Or je doute d'un pareil postulat, notamment en milieu tertiaire. A mes yeux, la fatigue d'un individu ne résulte pas du travail mais de l'ennui qu'il ressent à l'exercer. La fatigue naît d'un mortel ennui. Une banale observation expérimentale vérifie ce constat psychologique. Elle est notamment illustrée par le collectif des passagers d'un train, en pleine journée. Le spectacle de l'ennui est édifiant. On y voit la grande majorité des voyageurs bailler aux corneilles, somnoler, voire dormir à poings fermés. Les usagers du wagon s'essaient à tromper l'ennui par le truchement de journaux, livres ou casse-croûtes. Avant de succomber à la morsure de l'ennui et aux délices de Morphée. Seul l'écran d'ordinateur semble maintenir l'éveil de rares passagers.
Autrement dit, je prétends que la société fait fausse route à vouloir associer les notions de fatigue et de travail, qu'elle s'est fourvoyée à distribuer sans compter les semaines de congés. Cette tolérance croissante au temps libre ne guérit d'aucune fatigue. Au mieux, elle euphorise dans l'instant de la reconnaissance sociale. Mais en aucun cas, elle n'augmente la productivité des salariés, vite démotivés par l'ennui retrouvé, éreintés dès les premières heures de labeur d'après-congé. Bref, le chemin vertueux de la compétitivité passe par un enrichissement concerté du travail, seul remède au gigantesque ennui, dévastateur de productivité.

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