lundi 28 février 2011

Le clown se meurt

Les beaux mots d'Alexandre Romanès en plein coeur des pages du Monde sont un luxe suprême. Ils réjouissent l'esprit. Ils comblent le manque d'attention à la beauté du monde. Ils réhabilitent le travail d'artiste. L'homme d'une autre culture met les points sur les i des administratives fumisteries. Le directeur de cirque ne prise guère le verbe foireux des complices de la peur. Le poète dit son fait aux chefs des ghettos sédentaires saboteurs de fête. Le forain fait luire au soleil de sa plume la souveraine liberté des tribus nomades. Il sauve l'honneur. Il sauve de l'oubli la poésie des muets, de Genet, Grosjean ou Dattas. Il chemine dans l'espace, un écriteau dans les étoiles: "Dégage, monde encagé !".
Le cirque Romanès est assailli de tracasseries, de chicaneries, de paperasseries. On songe au chant bouleversant de Giani Esposito : "S'accompagnant d'un doigt ou quelques doigts le clown se meurt et par quelques spectateurs sur son petit violon".
Le texte de Romanès nous délivre, nous lave des miasmes de l'actualité gadoue, de la quotidienneté Mam. Il fixe un cap, un cap de Bonne Espérance, l'horizon paradoxal de la hauteur. Il ne lâche rien sur l'essentiel, s'incline devant le ciel, jette à peu près tout. Il est libre comme l'air.
Le clown d'Esposito poursuit son numéro d'artiste: "D'une petit voix comme il n'en avait jamais eue il parle de l'amour, de la joie, sans être cru". Romanès est un pareil saltimbanque, un clown inaudible, sans maquillage exposé à la haine ordinaire. Il nous enseigne le grand art, qu'au commencement il n'y a pas de commencement. Que le vent n'a ni début ni fin. Que la ruade d'un cheval est indomptable, que la liberté ne s'échange pas. Mais il faut élargir son propos. Aux révoltes arabes, il dit mieux que personne, l'Onu ou n'importe quel "machin", ce qu'est l'humanité débarrassée de ses maîtres.

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