lundi 14 février 2011

Koltès à l'Atelier

Koltès va sa phrase qui fait texte. Elle charrie le récit d'une vie, la stridence d'un cri sous la pluie. La phrase rase les murs de l'amour. C'est un fleuve où dérive le vieux pneu de la solitude, où tournoient une godasse, les branches mortes des trottoirs. L'homme n'en fait qu'à son texte. La phrase dit tout en un souffle, trois mouvements et soixante feuillets. Koltès entasse les mots: il les jette à la volée par l'embrasure du silence, au premier venu, au coin d'une rue. Il les frotte à la hargne du monde, les cogne contre l'autre, à merci du Nicaragua.
La rumeur court comme la phrase. La rumeur court que Romain Duris hisse haut les couleurs de l'auteur, les beautés du texte, la blessure vive de Koltès. L'écrivain rechigne d'avoir son mot à dire. Il ne vise que la majesté d'une phrase. Avoir sa phrase. Koltès a écrit, haleté sa Nuit, rédigé d'emblée son testament, taillé un diamant. A l'Atelier, l'antre de Jouvet, se joue la vie d'un homme, s'enroue la voix de Koltès, s'écoute la langue française.

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