lundi 5 décembre 2011

La stratégie de l'extrême

Sarkozy a fait une croix sur le centre. De Gaulle moquait en son temps le marais. "Ce sont des enfants de choeur qui auraient bu les burettes". Il fustigeait une tradition de démocratie chrétienne, aussi poltronne que tiédasse. Sarkozy laisse le centre à Hollande et Bayrou. Il déserte le terrain d'un milieu bien-pensant, à forte respectabilité et multiples notabilités.
Inutile qu'il s'aventure sur des terres aussi morcelées. L'ectoplasme Morin ne sera qu'un pâle ramasse-miettes. Il compte pour du beurre.
Sarkozy ne dispose d'aucunes réserves pour le deuxième tour. On a beau tourner autour du pot, refaire les additions, il est loin de rassembler une majorité sur son nom. Reste le Front National.
Le parti de Marine Le Pen réunit des bataillons autrement plus consistants que les troupes dispersées du Modem. Idéologiquement parlant, un tabou a été levé: d'anciens barristes comme Alain Cotta ou d'anciens gaullistes comme Paul-Marie Coûteaux ont rejoint un mouvement longtemps ostracisé. Le Front National parle au peuple, s'adresse aux ouvriers dans une langue appropriée. Ses idées simples réhabilitent un lourd bon sens aux apparences de vérité.
Bref, Sarkozy et Marine Le Pen ont vocation à s'entendre. Sarkozy pour gagner en 2012, Marine Le Pen pour enfin gouverner. Sarkozy sent bien l'opportunité stratégique d'un revirement. La droite "pop" et Guéant préparent soigneusement le terrain. A l'international, on converge vers l'Allemagne. Au plan national, on se recroqueville sur la droite extrême.
Pareil changement d'alliances tombe à pic. Le Front National a rompu avec sa politique de vaine protestation. Marine Le Pen, à la différence de son père naguère, souhaite être ministre, exercer sa part de pouvoir. Sarkozy n'a pas d'autre choix pour conserver l'Elysée. Il lui faut pactiser avec la diablesse. Côté publicité, il rajeunit et féminise.
Le souverainisme radical de Marine Le Pen surfe sur les peurs. La crise de la zone euro arrive à point nommé. Ce nouvel étatisme protecteur s'accorde assez mal au libéralisme versatile de Sarkozy. Qu'à cela ne tienne: Mitterrand a bien gouverné avec un quarteron de communistes autrement plus regardants sur la doctrine du parti. La victoire euphorise. Elle sait rapiécer l'inconciliable.
Car Sarkozy, fervent admirateur du leader socialiste, souhaite calquer son deuxième quinquennat sur le premier septennat de l'avocat charentais. Il veut faire plier le Front National au gouvernement, l'exposer à l'épreuve de la réalité, l'user au contact des nécessités.
Mitterrand a éliminé le parti communiste du jeu politique. Il l'a broyé de la manière la plus démocratique. Sarkozy désire asphyxier Marine Le Pen avec un maroquin. Il veut que l'extrême droite trahisse ses convictions au pouvoir.
Au-delà d'une victoire sur une gauche un peu trop sage, la stratégie mitterrandienne de Sarkozy - même goût pour les coups tordus - est destinée à vider de l'intérieur le Front National de sa substance protestataire. Sarkozy joue son va-tout.



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