lundi 2 avril 2012

Les mots du deuil


Chère Patrizia,

A peine rentré des Alpes, j'ouvre un journal. Ma première pensée est pour toi. La vie n'apprend rien. Car nous restons des enfants dans la certitude de l'immortalité de leur père. On n'apprivoise pas le chagrin.
J'ai encore de la neige dans les yeux. Courchevel. J'en garde le goût de soleil blanc dans la bouche. J'entrouvre les lèvres, murmure à ton oreille un message de courage. J'écris dans le noir les mots du deuil, sans savoir où les adresser. Je les destine à ton visage de jeune fille.
J'ai la mémoire d'un homme sans mélancolie, d'un rire sonore déployé de bon coeur, d'un homme dans la gloire de l'âge. Je me souviens d'une jeunesse, des lieux, des maisons. Bargny à toit d'ardoise, les joues rouges de son tennis. Courseulles des dimanches de grisaille. Mais les étés ont perdu leur éternité.
A trois ans d'intervalle, j'ai fermé les yeux d'un père. J'en sais la douleur de chair. Patrizia, je trace les lettres de ton nom comme au temps de notre jeunesse. Il se fait tard sur l'avenir et nos chimères d'hier.
Transmets tendrement à ta mère le témoignage de ma profonde affection.

Je t'embrasse.

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