jeudi 20 décembre 2012

Villa Brune

C'est une adresse de bout d'impasse. L'homme du lieu écarquille les yeux comme un enfant taiseux. Il nous accueille en pyjama dans sa maison grenat. Nous assied sur un canapé d'angle. Le matou gris s'ébroue. N'en perd pas une miette.
L'homme du lieu s'est défait des contraintes de mémoire. Dans son salon, il ne se souvient qu'à l'occasion. Il est indéchiffrable derrière sa face lunaire, rose comme un homme qui se repose.
Il se fiche des souvenirs, les chasse de la main comme des mouches indésirables. Le service du thé l'attentionne comme une fidélité à exécuter. Il nous reconnaît mais ne sait nous identifier.
C'est une demeure où les heures ne font pas peur. On jette des mots dans la conversation comme des hameçons dans une mer sans poisson.
Il se dresse, droit comme un lutin, petit soldat sans embarras, vieux bambin sans destin. Il ne confesse qu'une faiblesse. Le froid, qu'il conjure à La Réunion, loin de sa maison.
L'éclaircie du visage est une épiphanie. Intelligence de chat, ou condescendance de nouveau-né, l'homme du lieu n'est pas plus saisissable que la joie du feu.
On marche dans la rue, Villa Brune, décontenancé par la nuit.

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