lundi 5 novembre 2012

Louvre gratuit

Je gravis l'ultime étage de l'aile Sully, à rebours de la chronologie. Je bivouaque dans des galeries vides à lumière livide. Les chemins de Mortain voisinent le paysage romain. Corot n'a peint ce matin que pour un gardien qui se tient à carreau.
Je salue le geôlier du lieu. M'assieds devant le beffroi de Douai. Je regarde la couleur de craie. Je bavarde avec la toile. Le gardien baisse la nuque. On dirait un condamné. J'ai la sensation d'une pièce muette, de trois acteurs sans texte, échoués là. Le gardien, moi et le beffroi. On ne se parle pas, chacun à sa manière.
Delacroix ne fait pas le poids. Zéro regard. L'orpheline au cimetière crie dans le désert. Son oeil de cheval s'adresse grand ouvert à Picasso, le peintre de l'enfer. Sans Delacroix, pas de Guernica. Les visiteurs ont peur. Ne se frottent qu'entre eux dans de laborieuses queues leu leu.
Louvre gratuit. Happy hour dans les galeries. On a les yeux embués. On trinque avec une jeune fille égarée.

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