dimanche 3 mai 2020

Labo Picasso

Le besoin de croire, l’envie de guérir, d’en finir avec l’étrange guerre, déportent l’espoir vers les laboratoires. Les médecins sonnent le tocsin. Les machines qui réaniment se lassent des hommes à moitié requinqués, les laissent debout dans l’ignorance des séquelles d’hôpital.
Une certaine science dément les médicaments, nie les thérapeutiques heuristiques. Le virus qui fait tousser réveille la recherche des laboratoires. La pratique grégaire d’une deuxième guerre, celle de la matière grise, s’amorce dans une imprécise durée. Le devoir de vaccin est un droit du citoyen.
Le mouvement moutonnier de l’investigation interroge les conditions de la vérité. L’obligation politique de trouver distord la réflexion scientifique, fixe d’autorité un but à la liberté, assigne une finalité à la nouveauté.
Ce fonctionnariat de la découverte tourne résolument le dos à l’élan vital, au jaillissement de la création. Les laboratoires sont mimétiques, à la manière des traders des marchés de matières premières.
Pablo Picasso évente un secret de cuisine quand il révèle à un magazine soviétique : « Je ne cherche pas, je trouve » (Lettre sur l’art, revue Ogoniok, 16 mai 1926). Le labo Picasso sait de toute éternité qu’il est sot d’obscurcir sa vision d’une quelconque hypothèse. Le chercheur s’interdit de trouver, à vouloir suivre un préjugé.
Le trouveur, qui est aussi un trouvère, un amateur de poésie, n’est jamais qu’un observateur de néant, un familier du vide, une sorte d’idiot libéré du mot d’ordre, un genre d’innocent qui voit – ou qui sait regarder – la singularité d’une nouveauté, la naissance d’un événement pour la première fois.
Je crains que l’internationale recherche d’un vaccin ne s’autorise que de l’imitation concurrentielle d’une même raison formatée, qu’elle n’accomplisse sa mission, n’exécute sa figure imposée, qu’avec des yeux de plomb.   

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