jeudi 6 janvier 2011

Au-delà du populisme

Faire oeuvre de populisme, c'est flatter le peuple dans le sens précisément de son ressenti. Ressenti épidermique, partial, brutal. Le grognon Mélenchon et la volontaire Marine Le Pen s'autorisent du coup de sang des braves gens. Ils engrangent la colère des sans-grade, des déclassés, des muets et des paumés, des apeurés de la croissante misère.
Ce peuple-là, incorrect, mal peigné, mal embouché, s'émeut des injustices criantes de la société de satiété. Il se débat comme un beau diable dans ses difficultés récurrentes. La haine de l'autre - l'étranger parasitaire, le riche exploiteur, le patron cosmopolite, le politicien véreux, le financier corrompu - se donne pour explication du monde. Ces fauteurs de malheur préparent le terreau politique des Le Pen et Mélenchon. Or la caricature dénature la réalité. Elle la déforme, la tronque, mais jamais ne la nie tout à fait. Car il est ici ou là des employeurs sans honneur, des banquiers de grande cupidité, des magistrats sans vergogne ni vertu, des étrangers aux droits outrepassés.
L'indécence ostentatoire de leur conduite provoque nécessairement le ressentiment du peuple. Je voudrais dire que le peuple ne se divise pas. Il s'exprime en bloc lors des scrutins, dans le secret de l'isoloir et l'addition de ses bulletins. Mélenchon, Le Pen, sans doute Royal, ne se pincent pas le nez au voisinage d'un peuple renfrogné, protestataire, passionnel et radical. Ils n'ont pas rompu avec le langage cru de la rue. Alors, le populisme serait peut-être la dernière main tendue des élites démocratiques au peuple effervescent. A celles-ci, il appartient de convertir la violence des passions en un discours de raison, préalable à l'action praticable. Au populisme sommaire d'une foule révoltée, il convient de substituer une vraie politique du peuple, d'esquisser un projet rigoureux de justice sociale, sans chimère ni pathos incantatoire.

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