mardi 18 janvier 2011

La féerie du Mépris

Dimanche, on range. On classe les souvenirs du temps du cinéma, d'un spectacle jadis vivant, entre poème et peinture, cantilène et chorégraphie. Féerie, majesté: les mots sont de Céline. Dimanche, j'ai revu Le Mépris sur TCM, la perruque brune de Bardot, le chapeau de Piccoli, la lumière de Capri, les couleurs de la vie. Godard a bâclé un pseudo scénario, histoire de contenter le distributeur du film. Il dédouble sa vie sur l'écran. C'est par le Mépris qu'il la traite, la tire par les cheveux. C'est sa peau qui vaut scénario. Pas besoin de noircir du papier, faut plutôt impressionner la pellicule, la faire rire aux instants rares. Faut chiader l'image aux encadrures, entre deux acrobaties, facéties, espiègleries. Bref, exercer le métier de voyeur, faire le job avec honneur.
Mettre du rouge, du vermillon sur les corps et les désirs, les dieux et les peignoirs. Mettre du bleu, du bleu de "sourire innombrable", du bleu d'Homère sur le ciel et la mer. Mettre des élans, des émois, des petits mots, du mouvement de motion picture dans l'appart romain et la villa de Malaparte.
Caméra danse comme pigeon vole. Godard filme le ballet des cils et des silhouettes, des objets et des rejets. Il défie la loi de pesanteur du scénario d'auteur. Vit son film, filme sa vie. Il momifie Hollywood dans la raideur de Jack Palance. Il fige l'ami Fritz dans sa posture de pommier faiseur de pommes, le laisse rêver d'Odyssée et de cinéma aimé.
Se révèle ici que regarder fait du bien. Le Mépris est la guérissure d'un rebouteux des yeux. Godard soigne tout ce qu'il touche. Brigitte Bardot étire sa beauté comme l'ennui dévidé sur un corps d'été. Camille se déprend de Paul. La femme du Mépris s'appelle la méprise. Ce film de feu s'adresse à la sensibilité des yeux.

Aucun commentaire: