mercredi 25 mars 2015

Le musée du soleil

J'échappe à la bruine. J'ai fui le gris. Jadis, durant des années d'hiver, je me précipitais chez Rosita Missoni, la couturière.
Les couleurs me requinquent. J'aime la luxueuse échoppe, ses coloris de confettis, le bariolé de fête d'un musée du soleil.
Pierre Bonnard m'accueille pareil. Il fait de la peinture comme le soleil des morsures, la mer des éclaboussures. Il pratique un art sans ressentiment, sans autre référent que le réel ambiant. Bonnard aime la chair dans sa pleine lumière. Bonnard, c'est Balthus, revu par Renoir.
Je regarde la petite Marthe dans sa vasque fastueuse. J'observe son dos jaune comme une torche, son reflet comme un sexe orangé. Bonnard exalte un corps qu'il enrubanne de gloire.
Une petite fille en feu ramasse des coquillages bleus. Bonnard a rayé le malheur de son monde en couleurs. Il traverse deux guerres sans une ecchymose sur la toile. Il peint le plaisir. Il fixe les points de suspension de l'exacte attention.
La petite Marthe, assez vilaine de tête, est magnifiée par l'esthète. La vieillesse n'altère pas un corps de déesse.
Je sors d'Orsay. Sans le regard de Bonnard, on n'y verrait qu'une gare. La Méditerranée est notre Mésopotamie, un jardin ébloui. Je l'oublie sous la pluie. J'endosse une grisaille. Je retrouve une lucidité d'emmitouflé. On s'est tassé. Le monde nous a dépassés. On n'a pas vu le temps passer. On s'est tassé comme s'il nous avait tabassés.

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