11 mars. Dominique Sanda dénombre ses années, trouve deux
fois l’âge de Leïla Bekhti. La brune et la blonde veillent à l’équilibre du
monde. 11 mars. Anniversaire d’une blonde qui ne compte pas pour des prunes.
« Une Femme
Douce. Dominique Sanda squatte le cinéma du casino. Il pleut des cordes sur
une plage sans miséricorde. La starlette de l’esthète est quasiment muette.
Elle est pâle, frontale, franchit le seuil. Il y a trois pelés et un tondu. Je
suis seul avec elle. J’ai quinze ans. Bresson dédaigne la couleur. J’écris noir
sur blanc mes tourments d’écran. Je rédige une lettre à la suicidée, un
courrier qui lui est destinée. Je lorgne le bas de l’affiche, fixe le générique.
J’expédie mon histoire à Mag Bodard.
Depuis la moitié d’un siècle, j’attends une réponse, un
feu vert de l’actrice. Un dimanche d’août à brouillard, sans discerner Le
Havre, je m’agrippe à son visage, au rivage balnéaire. J’inaugure mes lettres
mortes, jetées de la sorte, dispersées dans la nature. Je répugne à inscrire le
lieu d’un domicile au dos de l’enveloppe diaphane. Sanda n’est pas qu’une
déesse d’initiales. Elle me trouvera. La détresse est une adresse inratable. De
Gaulle m’a abandonné en mai. Il a pris ses cliques et ses claques. Désormais je
suis libre de mes appels au peuple. Dans l’obscurité, l’égaré du bout de rang
me palpe une fesse. Je sors de Dostoïevski tout à fait ragaillardi. »
Ce
texte figure dans Fred (5 Sens
Editions, 2019, pages 50/51).
L’ouvrage
est disponible à l’adresse suivante :
https://catalogue.5senseditions.ch/fr/belles-plumes/295-fred.html
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