mardi 16 octobre 2012

Le malentendu d'un Nobel

Lauréate du prix Nobel de la paix, l'Europe est plébiscitée pour les vertus de son modèle. Le comité suédois dément le disgracieux avertissement de Donald Rumsfeld. Le Vieux Continent n'a pas fait son temps, son exemplarité mérite lauriers.
Je crains que pareille récompense ne soit le fruit d'un malentendu, d'une erreur de discernement. L'Europe a certes éradiqué la guerre de ses territoires. Au culte des patries s'est substituée la religion de l'économie. Les querelles de marchés ont remplacé les théâtres d'hostilités. On a cessé de se chamailler aux frontières. La paix en Europe est vécue comme une idée neuve.
Or cette bienheureuse concorde entre nations n'est pas réservée à notre seule communauté. En la matière, l'Europe n'est pionnière en rien. Les Amériques, septentrionale, centrale ou méridionale, ne guerroient plus entre elles depuis belle lurette. Les grands ensembles asiatiques - Chine, Inde, Japon - s'interdisent conflits et canonnades. A contrario, l'effervescente Afrique, et surtout le bouillant Moyen-Orient, souffrent de fragilités guerrières.
Les sages nordiques ont couronné l'Europe pour l'ensemble d'une oeuvre qu'ils n'ont lue qu'entre les lignes. Ils valorisent à l'excès son statut de bon élève de la paix.
L'Europe du traité de Rome ne trouve pas son identité dans le marbre d'une paix perpétuelle, mais dans la figure glacée du marché. Le libre-échange a créé l'Europe du dernier demi-siècle. Il a enrichi ses pays. Il a favorisé des décennies de prospérité comme nulle part ailleurs au monde.
L'ère des facilités matérielles s'achève. L'Europe non-guerrière s'est dégradée dangereusement en zone dépensière. La crise de la dette la touche en pleine tête. Un prurit de sécession, des démangeaisons de partitions se font jour en Belgique, en Espagne, au Royaume-Uni, voire en Italie. Les régions les plus fortunées se désolidarisent des contrées arriérées. Les égoïsmes prévalent sur les bons sentiments.
Or ces vastes mouvements d'autonomie ne s'observent pas qu'à l'échelle nationale. L'actuel cavalier seul de l'Allemagne, au niveau communautaire, appartient au même courant protestataire.

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