mardi 23 octobre 2012

Rejet des temps abrégés

Le travailleur du tertiaire numérique accomplit des besognes d'urgentiste. Il est posté, aux aguets, sur le qui-vive, telle une sentinelle de l'immédiateté, exercée à la seule réactivité.
Urgentiste. Pugiliste aussi. Car il boxe en contre, répond aux attaques, riposte du tac au tac, expédie des clics comme des uppercuts.
Le temps de la quotidienneté est pulvérisé comme des confettis de brièveté. Il est secoué de clics, au fil des cadences tactiles. Le travailleur travaille ailleurs. Il est embastillé dans un virtuel totalitaire. Il est soumis à la dictature du court terme. A la tyrannie de la brévissime échéance.
Le temps s'est rétréci après lavage de cerveau. A l'usine, au bureau, à domicile. Les travaux impatients ont modifié sa libre fantaisie.
A l'échelle d'une grande entreprise, l'unité de temps se nomme le "quarter". Dans les sphères d'argent, on se bat pour une pièce jaune. Le futur se résume au trimestre. Pas de visibilité au-delà. L'avenir est économe de son temps. Le cycle des quarters sans horizon se calque sur la ronde infernale des saisons. Le quarter impose sa terreur ordinaire.
En politique, le temps de la souveraineté a rapetissé de deux années. La frénésie du petit quinquennat nuit à la fixation d'un cap noble et solennel. Elle excite les candidats plus qu'elle ne fortifie l'esprit des lois.
L'actualité prime sur le temps éloigné. Elle obéit à l'immédiateté des médias. Elle sacrifie au rite de passage de "la petite phrase".
La réflexion dérive en réflexe, en action sous pression. La pensée courte est fille des temps abrégés. Or aujourd'hui, la société exprime un même rejet à leur endroit. "A long terme, on sera tous morts". On se souvient un peu trop de la facétieuse boutade de Keynes. Car à court terme, on ne se sent déjà pas très bien.

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